Médecin anesthésiste : focus sur l’obligation de surveillance du patient

Médecin anesthésiste : focus sur l’obligation de surveillance du patient

Médecin anesthésiste : focus sur l’obligation de surveillance du patient 150 150 Sorogec

Au cours d’une opération, un médecin anesthésiste, appelé en urgence pour voir un autre patient, est contraint de quitter le bloc opératoire. Dans les minutes qui suivent, le tube du respirateur artificiel se débranche, entraînant des conséquences neurologiques irrémédiables chez le patient opéré. Quid de sa responsabilité ?


Médecin anesthésiste : un patient doit être surveillé jusqu’au transfert à la salle de réveil !

Un médecin anesthésiste est tenu par une obligation de sécurité. En cas de manquement à cette obligation, sa responsabilité pénale peut être engagée.

C’est ce que vient de rappeler un juge à un médecin anesthésiste qui avait laissé sans surveillance une patiente placée sous anesthésie générale.

Dans cette affaire, la patiente devait subir 2 opérations successives, nécessitant la présence d’un chirurgien, d’un médecin anesthésiste, de 2 infirmières de bloc opératoire et d’une aide-soignante.

La 1ère opération étant terminée, il a fallu réaménager le bloc opératoire pour la 2nde opération et changer la patiente de position. Le chirurgien s’est alors absenté pour se stériliser les mains, l’aide-soignante est allée chercher du matériel médical et l’une des 2 infirmières est allée dans son bureau pour passer un appel téléphonique professionnel.

Il restait donc, avec la patiente, le médecin anesthésiste et une infirmière de bloc opératoire. C’est alors que le médecin anesthésiste a été appelé en urgence auprès d’un autre patient. L’infirmière de bloc s’est par conséquent retrouvée seule avec la patiente.

Et c’est à ce moment-là que, pour une raison indéterminée, le tube du respirateur artificiel s’est débranché de l’appareil de monitorage, ce qui a entraîné des conséquences neurologiques graves et irrémédiables chez la patiente opérée (l’infirmière restée seule avec la patiente, spécialisée en bloc opératoire, n’avait pas les compétences nécessaires en matière d’anesthésie et n’a pas su réagir correctement).

La responsabilité du médecin anesthésiste a alors été recherchée et, pour rendre sa décision, le juge a tout d’abord rappelé 2 règles de sécurité que doivent respecter les médecins anesthésistes :

  • tout changement de position d’un patient sous anesthésie générale doit se faire en présence d’un médecin et de l’anesthésiste ;
  • la présence de l’anesthésiste ou d’une infirmière-anesthésiste est obligatoire tout au long de l’anesthésie et jusqu’au transfert dans la salle de réveil (si le médecin anesthésiste est amené à quitter la salle d’opération, il confie la poursuite de l’anesthésie à un autre médecin anesthésiste qualifié).

Or, ces 2 règles de sécurité n’ont pas ici été respectées, relève le juge, pour qui, si un médecin anesthésiste ou une infirmière anesthésiste avaient été présents à proximité de la patiente et de l’appareil de monitorage, comme leur devoir élémentaire l’imposait, le débranchement du tube du respirateur, signalé par une alarme sonore, n’aurait eu aucune conséquence puisqu’ils auraient procédé sans délai à sa reconnexion.

Ensuite, le juge constate que le médecin anesthésiste n’a pas donné de consignes précises à suivre pendant son absence. Ce qui est d’autant plus fautif qu’il savait que le médecin en charge de l’opération avait, avant de s’absenter, demandé à ce que la patiente soit préparée pour la 2nde opération (ce qui impliquait un changement de position de la patiente).

Par ailleurs, le médecin anesthésiste ne s’est pas assuré qu’un personnel suffisamment qualifié prenne en charge la surveillance de la patiente, puisque seule une infirmière de bloc opératoire et non une infirmière anesthésique restait sur place.

Dans cet enchaînement de faits malheureux, le juge y a vu une faute grave du médecin anesthésiste, justifiant que sa responsabilité pénale soit engagée, pour défaut de surveillance d’une patiente placée sous anesthésie générale.

Source : Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 15 janvier 2019, n° 17-86461

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